Inédito de Coutechève Lavoie Aupont

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Je n’aime que le brouillant et le cœur barré de la foule

Une foule c’est du monde

Et du monde c’est beaucoup

Beaucoup ça transpire

 

la sueur de la foule fait monter le niveau de la soif

De la vie et de la révolution

Ça ronge la température de l’eau

De la chair des larmes et du temps

 

Une foule son chant ne tarit jamais

 

Une foule ça allume des soleils

Crée des Hommes et repend des crises

Essuie des rédemptions précoces

Cancéreuses et voraces

 

Une foule ça pèse comme un poing de haine

 

Ça chante le souffle coupé

Elle vit à petit feu

Elle chante à l’unisson

La vie le progrès et l’espoir

 

La foule chante la démesure la liberté

L’amour et maman savait tout ça

 

Oui elle connaissait la chanson hybride de la foule

Cette chanson de vie de rudesse

Elle savait que son chant est unanime

Impersonnelle

 

Une foule

Ça crie ça gueule ça hurle

Péniblement

 

Une foule est une plainte disait maman

Elle chante quand ça fait mal à la nuit

Comme un enfant perdu

Elle chante la petite chanson des vélos usés

 

Petit maman me l’avait chantée cette plainte

Cette plaie de foule quotidienne

Cette foule du monde et de gens tristes

 

Cette tristesse collective et ultra-vocale

En réalité est sans voie imaginable

 

Ce balancement de pancartes dans les rues

Est une foule d’amertume

Et maman me l’avait chantée en couleur

 

Cette immensité incurable

Cette clameur virulente

Cette réprobation suffocante

Elle l’a enfantée de bon cœur

 

Comme une berceuse d’astres

Elle me l’avait chantée de nuit et de soleil

Comme une source défaillante attachée à son sein

Elle l’a aimée comme moi j’ai aimé sa présence

 

Elle me l’avait prédite cette fièvre cancéreuse

Cette tracée d’âmes égorgées avant la moisson de la vie

Elle l’avait bercée de sa voix de nuits difficiles

 

Cette erreur criarde et pâteuse sur la chaussée est une foule

Petit elle me l’avait chantée de toutes ses forces

De ses lèvres fatiguées et chancelantes

 

Mais ce chant aujourd’hui a tarit

Et maman est triste comme une Traversée

Éteint comme un vieux stylo d’écolier

Comme un souvenir désormais inhabité

 

Elle est désespérée maman

Comme quand on est bouleversé

Bouleversé devant la vie et devant soi-même

Dans son corps et devant toutes les faiblesses de la Terre

Dans son âme et dans toute son intimité propre

 

Alors aujourd’hui je sais ce que c’est qu’une foule

Et pourquoi son désespoir monte la garde devant la bouche du temps

 

Coutechève Lavoie Aupont.  Extrait de Lettre à mon chien, inédit.

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