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Philippe Boudes
Comment rendre compte, d’un point de vue sociologique, des liens entre climat, trames vertes et ville ? Malgré le caractère a priori non sociologique de ces items et de leur association, cet article revient sur les entrées possibles pour aborder, en sociologue, ces questions. Il s’agit d’abord de mobiliser des spécialités sociologiques qui sont peu ou prou liées à ces thématiques, à commencer par la sociologie de la ville, mais aussi celles des sciences et des techniques ainsi que la sociologie de l’environnement. Chacune peut proposer des angles d’approcher propres à contribuer à l’analyse du triptyque climat, trame verte, ville. Par ailleurs, l’article expose un aspect de la démarche de recherche utilisée lors du programme Changements Climatiques et Trames Vertes Urbaines–CCTV. Une approche scientométrique a d’abord permis de valider les liens croissants entre climat et trame verte dans la littérature scientifique. Une analyse qualitative transversale détaille ensuite les principes de ces liens à travers trois dimensions : la première touche aux formes politiques et sensibles de ces liens, la seconde renvoie aux catégories technique et historique de la relation climat/trame verte, la troisième concerne la production de données et les projections.
1 Les sciences sociales s’intéressent de plus en plus aux questions environnementales. Cette ouverture souligne la volonté de penser l’environnement comme un phénomène social et par-là de ne pas l’objectiver uniquement comme un phénomène naturel. La montée des préoccupations climatiques et des politiques les concernant, l’engouement actuel des collectivités pour l’aménagement de trames vertes multifonctionnelles, ou encore la prise en compte par les aménageurs d’une demande de nature en ville reflètent clairement l’entremêlement continu de ces logiques sociales et écologiques.
2 Quand bien même ces objets –et a fortiori leur association– nécessitent une approche interdisciplinaire pour être analysés dans toute leur complexité, il est pourtant nécessaire de poser d’abord la question de leur appréhension disciplinaire. Ceci permet de faire un état des lieux des travaux existants, mais également de partager les points de vue d’une discipline avec d’autres disciplines concernant les changements climatiques, les trames vertes et la ville. L’objet de cet article est, en effet, de montrer comment, en sociologue, rendre compte de ces thématiques qui ne sont pourtant pas, a priori, sociologiques1. La difficulté est de se positionner en tant que sociologue sur des thématiques a priori non sociologiques et par ailleurs déjà balisées par d’autres disciplines.
3 On peut d’ores et déjà mentionner que d’une part les trames vertes et les changements climatiques font l’objet de mobilisations collectives et de mises en œuvre politiques, souvent au plus haut niveau, et que d’autre part la sociologie a pour objet de telles manifestations sociales. De plus, le cadre urbain et ses évolutions ont toujours été un objet central de la sociologie, et la ville demeure une accroche forte pour cette discipline. Mais s’il faut parler de l’association du climat, des trames vertes et de la ville, les mises en œuvre politiques sont très rares, les mobilisations inexistantes, et les interactions entre les trois items relèvent d’une complexité socio-écosystémique que l’on peut difficilement embrasser.
4 Parce que cette complexité ne peut faire l’objet d’un discours sociologique général, c’est donc une méthodologie d’approche plus précise, en deux temps, que nous avons choisie pour cet article. Tout d’abord, certaines spécialisations sociologiques paraissent plus à même de pouvoir saisir les objets étudiés et leurs associations ; ensuite, le sociologue est en mesure de s’intéresser a minima à la formalisation des liens entre climat et trames vertes dans le cadre urbain, c’est à dire non pas nécessairement à leur production ou à leur signification, mais aux cadres sociaux dans lesquels sont pensées leurs associations.
5 Dans un premier temps, nous reviendrons sur les apports, pour nos objets, de la sociologie urbaine, de la sociologie des sciences et de celle de l’environnement. Aucune spécialité sociologique ne peut prétendre embrasser le triptyque climat, nature et ville, ni rendre compte en totalité de la contribution de la sociologie à celui-ci; mais chacune apporte des éléments de réponse. En effet, leur champ de réflexion est assez large pour saisir, à un certain moment, des analyses du climat et/ou des trames vertes et/ou de la ville, et dans le même temps ces lectures ne peuvent que demeurer partielles. Et c’est justement parce que leur cadre d’analyse n’est pas suffisant pour dévoiler l’ampleur de l’apport de la sociologie que la seconde partie propose d’étudier la formalisation des liens entre climat, trame verte et ville.</strong
6 À partir des travaux menés dans le cadre du programme Changements Climatiques et Trames Vertes Urbaines (CCTV)2, nous pouvons dégager les trois principaux axes de cette formalisation : le premier touche aux formes politiques et sensibles de ces liens, le second renvoie aux catégories d’aménagement et d’opérationnalisation, le troisième aux aspects biophysiques et rationnels. Ce sont trois groupes qui composeront alors le cœur de notre propos, étoffés par une analyse bibliographique ciblant les travaux approchant, peu ou prou, les trames vertes et les changements climatiques. Comment qualifier réellement ces trois groupes ? S’agit-il de formalisations, de cadres sociaux, de catégorisations d’action, ou plus simplement de registres d’association des trames vertes, du climat et de la ville ? Nous soulignerons finalement que ces trois groupes sont proche des entrées disciplinaires mobilisées habituellement pour le climat – avec les sciences de l’atmosphère –les trames vertes – avec les sciences écologiques et celles de l’aménagement–, et la ville –avec les sciences sociales– ; mais ils ne sont pas réductibles à ces catégories disciplinaires, comme cela sera discuté en conclusion.
7 La sociologie contemporaine est découpée en une trentaine de spécialités dont les différentes associations de chercheurs sont les porte-parole3. Or, pour l’étude des liens entre climat, trame verte et ville, seuls trois de ces domaines nous ont paru pertinents : la sociologie de la ville, de l’environnement et des sciences. Ce choix se justifie principalement parce que ce sont les seuls domaines qui font place à des préoccupations non strictement sociologiques de l’ordre de celles que nous traitons ici, et parce qu’ils sont à même de définir les acteurs à l’œuvre dans la mise en lien du triptyque étudié. Seules la sociologie politique et la sociologie rurale auraient pu prétendre à les rejoindre : mais la première ne fait que peu de place à la matérialité des phénomènes, et la seconde doit être exclue parce qu’elle représente l’antonyme de l’approche urbaine.
8 Cette difficulté pour les sciences sociales, a fortiori pour la sociologie, de saisir un problème tel que le changement climatique est paradoxale. Elles portent le fardeau d’un héritage cloisonné où chaque discipline définit les objets nobles et ceux qui le sont moins, et par là oriente à moyen et long terme les contours de ses recherches (Bourdieu, 1976). Pourtant, certains chercheurs se sont largement investis dans des thématiques telles que le changement climatique ou, plus récemment, les trames vertes. Comme le souligne justement McCright (2009 : 107), «Étant donné que ‘le moderne’ était la raison d’être de la sociologie et que le changement climatique est la quintessence du problème social de l’ère moderne, le changement climatique devrait être (should be) le problème par excellence de la sociologie». Ce should be marque la difficulté d’engager une réflexion sociologique sur le changement climatique –et cela fait écho à la difficulté d’intégrer la nature dans la réflexion urbaine. Ceci explique en partie pourquoi les trois sociologies spécifiques choisies sont encore limitées dans leurs ambitions, et permet d’envisager comment elles pourraient être davantage déployées.
9 La sociologie urbaine est nécessaire à l’approche des liens entre climat, trame verte et ville. Si elle est clairement assimilable à cette dernière, elle doit prendre en compte que le processus d’urbanisation du monde, engendrant un plus grand nombre de citadins que de non citadins, est notamment mis en question par une demande croissante de nature en ville et par les perspectives de changements climatiques. Toutefois, parce que le système urbain est un système parmi les plus complexes, la sociologie urbaine tend à se replier sur des questionnements sociologiques classiques excluant des phénomènes relevant également d’autres disciplines. Les catégories d’analyse dominantes, généralement restreintes aux dimensions sociales de l’urbain, aux phénomènes de différenciation et de division sociale de l’espace, de mobilité, d’intégration et de participation (p. ex. Grafmeyer, 2000), ne permettent pas de s’approprier des enjeux de l’ordre de ceux des liens entre climat et trames vertes.
10 Seule une entrée par les catégories d’action de la ville envisage parfois ces liens. Par exemple, la demande de nature en ville est largement associée à la planification de trame verte, tout comme l’élaboration de plans de transports ou l’aménagement d’écoquartiers sont à rapprocher des préoccupations climatiques. Mais parce qu’il n’y a pas de conscience politique et sociale de la relation des trames vertes avec l’atmosphère –et par là, avec le climat local–, il n’y a pas de sociologie de ce lien. Les mobilisations urbaines à vocation environnementale ne paraissent pas en mesure de faire ces liens, et les politiques publiques, avec en premier lieu les nombreuses élaborations des plans climats, sont timides, voire aveugles, quant à ces liens.
11 A contrario, cela ouvre de formidables perspectives de recherche dans le but d’expliciter les possibles mises en lien des phénomènes au sein de collectifs. Les études croissantes sur les villes durables et leurs multiples composantes permettent tout à fait d’intégrer climat, trame verte et ville dans une même analyse. On voit en effet fleurir des travaux déjà avancés où ces liens sont encore épars et peu marqués, mais toujours plus présents, dans les récits d’acteurs comme dans la tête des chercheurs (Emelianoff et Stagasy, 2010 ; Lolive et Blanc, 2007). Les travaux de Granchamp et Rudolf (2008, 2009) et Rudolf (2012) sont aussi des marqueurs d’ouverture à cette interaction, à partir des changements climatiques, et ceux de Blanc et al. (2005) ont déjà franchi le pas de l’interdisciplinarité.
12 Ces nouvelles perspectives peuvent également bénéficier des apports de la sociologie des sciences et des champs scientifiques, dont les approches sont en mesure de décrire cette mise en lien des changements climatiques et des trames vertes dans le cadre de l’activité cognitive institutionnalisée qu’est la recherche scientifique. Comprendre comment cette association d’objets, de chercheurs, de systèmes de penser et d’institutions de recherche est en train de se faire ou non, et quelles en sont les raisons scientifiques et, surtout, sociales et non scientifiques, tel pourrait être l’objectif d’une sociologie des sciences de l’interaction climat, nature et ville. La sociologie des sciences a en effet le relatif avantage de ne pas préjuger de la pertinence de la rationalité de ce qu’elle étudie. Partant du principe que la science est le résultat de ce que produisent les chercheurs, indépendamment des critères logiques de validation des savoirs, ce domaine sociologique peut donc étudier dès à présent l’association effective du climat et des trames vertes.
13 C’est en partie ce qui a été réalisé dans le cadre de deux programmes du GIS Climat Environnement et Société. L’un d’entre eux cherchait à tester l’existence de cette mise en lien dans les récits de chercheurs et dans les travaux existants (programme CCTV), l’autre analysait dans le même temps les modalités de construction des échanges disciplinaires au fil de cette mise en lien (cf. Blanchard et Vanderlinden, 2012)4. Les résultats montrent un intérêt croissant pour les liens entre climat et nature végétalisée, notamment visible en recourant à l’approche scientométrique5 (cf. figure 1). Toutefois, la diversité des définitions des trames vertes et la pluralité des échelles et des modèles utilisés par les sciences de l’atmosphère ne facilitent pas la mise en place d’un champ de recherche stable. D’autres critères pourraient être testés, comme la présence de travaux sur la nature végétale en ville dans les conférences sur le climat, et réciproquement les communications sur le climat dans les évènements sur les trames vertes. Cependant, l’ambition nécessairement multidisciplinaire de l’association climat, trame verte et ville soulève des difficultés supplémentaires pour la mise en ordre d’un champ de recherche opérationnel, cognitivement et institutionnellement.
14 Enfin, la sociologie de l’environnement, elle aussi, est en mesure de porter cette thématique, et ceci d’autant plus facilement que la thématique du climat est de plus en plus souvent abordée par cette spécialité. Dès lors, il faudrait définir dans quelle mesure ces études sur le climat prennent en compte, ou non, d’autres éléments dont les trames vertes et le cadre urbain. C’est par exemple le cas de la thématique des inégalités environnementales, à partir de laquelle il est possible de faire des parallèles entre le fait que certaines populations subissent davantage les risques entrainés par les changements climatiques alors qu’elles ont peu contribué à ces phénomènes, et le fait que l’accès aux espaces verts et aux aménités environnementales est lui aussi différencié selon les caractéristiques socio-économiques des populations.15 Mais la sociologie de l’environnement vise également à ouvrir la sociologie à des phénomènes non strictement sociologiques – dont les versants biophysiques des trames vertes et du climat. On peut dès lors proposer des pistes de recherches orientées vers la prise en compte des causes et conséquences sociales des changements climatiques et des trames vertes, et des causes et conséquences sur les changements climatiques et les trames vertes des phénomènes sociaux. Malgré l’entremêlement des phénomènes, que les composantes naturelles et anthropiques du climat et les fonctions écologiques et sociales des trames vertes donnent à voir, ne peut-on distinguer des causes ou conséquences sociales aux trames vertes et aux changements climatiques ? On peut a minima remarquer qu’à une phase d’artificialisation et de maîtrise de la nature en suit une autre où la relation à la nature questionne les sociétés humaines: elle interroge les limites de cette maîtrise et souligne la reconnaissance des interactions entre phénomènes naturels et phénomènes sociaux par les sociétés modernes. La sociologie de l’environnement participe de cette reconnaissance.
16 Ce champ de recherche propose également d’élargir les objectifs de la sociologie à la prise en compte de facteurs non nécessairement sociaux, dont les versants écologiques des trames vertes et physico-chimiques de l’atmosphère font partie.
17 À travers ces trois approches sociologiques, de la ville, des sciences et de l’environnement, un nouveau jeu de questions est encore visible, concernant la place de la nature dans nos sociétés. L’anthropologie de la nature, en rappelant que la distinction moderne entre nature et société (n’)est (qu’)une forme de cosmogonie parmi d’autres (cf. Descola, 2005) –car toutes les associations humaines ne la revendiquent pas nécessairement, ou pas toutes de la même manière– peut éclairer l’approche sociologique du triptyque climat, végétation et ville. Elle permet de proposer l’hypothèse suivante : le recours à la végétalisation des villes et aux services écosystémiques qu’elle engendre ramène au cœur des dynamiques contemporaines d’urbanisation les phénomènes strictement naturels, c.-à-d. non anthropiques ni techniques. Si jusqu’alors la ville cherchait à s’affranchir des dynamiques biophysiques, l’aménagement de trames végétales pour adapter les sociétés urbaines est un marqueur nouveau d’un recours à la nature elle-même pour servir les sociétés. Depuis le XIXe siècle, le rejet de la nature caractérisait les sociétés urbaines : celle-ci est désormais rappelée en tant que seul moyen de sauver les villes modernes d’un danger dont on cerne encore mal les conséquences. Le progrès et le développement se faisaient contre la nature, l’adaptation la situe au cœur de l’évolution sociale.
18 Une étude menée dans le cadre du GIS Climat Environnement et Société, en collaboration avec l’ANR Trames Vertes Urbaines, s’est spécifiquement intéressée aux modalités de connexions entre ces items. Il s’agissait de tester cette association et de définir comment elle était pensée et réalisée par les chercheurs. Deux axes de travail ont été choisis : l’étude de la bibliographie mettant en avant les liens entre ces objets et l’analyse du discours des chercheurs interrogés sur ces liens. Dans les deux cas, on constate un intérêt croissant pour ces associations et une relative diversité d’approches. Cette apparente diversité cache cependant une lecture commune des liens climat-trame verte que l’on peut rassembler dans une lecture transversale mêlant des logiques socio-politiques, des considérations concernant l’aménagement du territoire et l’écologie et des synthèses d’analyses et de projections de données.
19 Avant tout, il a paru nécessaire d’évaluer la réalité de l’association des entrées climat et trames vertes dans la production scientifique en recourant à l’analyse scientométrique des occurrences de ces termes dans les bases de données scientifiques. Ainsi, parmi l’ensemble des revues de la base de données Science Direct, les articles utilisant climate et greenway dans leur texte sont au nombre de 564 articles, dont 516 à partir de 1979 (Base 1 de la figure I). On trouve également 58 articles pour climate dans le titre, le résumé et/ou mot-clef et greenway dans tout le texte (Base 2), et 23 articles pour greenway dans le titre, résumé et/ou mot-clef et climate dans tout le texte (Base 3). Mais c’est bien l’augmentation du nombre d’articles de ces bases depuis 1979 qui reflète l’intérêt nettement croissant pour ces termes (fig. I). Une augmentation de la proportion de ces articles est également remarquable : la proportion des articles utilisant climate et greenways parmi l’ensemble des articles utilisant le terme climate dans leur texte a doublé entre 1979 et 2010, et celle parmi l’ensemble des articles utilisant le terme greenway a quadruplé sur la même période.
Figure 1. Répartition des articles entre 1979 et 2010
Source : Boudes (2010).
20 L’étude approfondie de ces résultats montre toutefois la prédominance des revues d’écologie et d’aménagement du territoire et soulève une première difficulté : les trames vertes ne sont pas un objet de pertinence égal pour toutes les disciplines. Les sciences sociales les reconnaissent comme instrument des politiques urbaines tel que leur inscription dans le code de l’environnement français avec les textes du Grenelle I et II. Les sciences écologiques se les approprient à travers les études sur la biodiversité en ville, la connectivité des milieux, et la migration des espèces. Là encore, le Grenelle de l’environnement insiste sur la nécessité de «faciliter les échanges génétiques nécessaires à la survie des espèces de la faune et de la flore sauvages» ou de «diminuer la fragmentation et la vulnérabilité des habitats naturels et habitats d’espèces et [de] prendre en compte leur déplacement dans le contexte du changement climatique» (Légifrance, 2010).
21 Les récits des chercheurs en sciences sociales ou des écosystèmes que nous avons rencontrés mentionnent peu ou prou ces définitions6. Celles-ci sont complétées par des réflexions sur le renouvellement des logiques d’aménagement du territoire permis par les trames vertes ainsi que sur l’approche en terme d’écologie du paysage. L’article de Arrif et al. (2011) peut être lu comme une synthèse de ces positionnements rappelant notamment que les trames vertes rassemblent les champs de l’écologie, de l’aménagement, de la géographie et de l’urbanisme. De plus, certains chercheurs savent situer les trames vertes dans leur histoire. L’histoire de l’expression, en mentionnant les pionniers que sont Olmsted, ou les figures actuelles de Little ou Fabos (Little, 1990; Fabos et Ahern, 1995); l’histoire de la dynamique écologique des trames vertes, étroitement liée aux notions de connectivité et de continuité des espaces; l’histoire de leur mise en oeuvre politique, notamment liée aux directives habitats et oiseaux du programme Natura 2000 pour le cas de l’Europe.
22 Il en va autrement des chercheurs en sciences de l’atmosphère. Leurs critères de recherche, en matière d’échelle et de modélisation des données, ne leur permettent pas d’appréhender les trames vertes dans leurs travaux. Si l’intérêt croissant de ces chercheurs pour l’intégration du végétal dans leurs études, a fortiori en ville, est notoire, ils ne peuvent associer les surfaces végétalisées à des trames vertes. Ils sont par contre de plus en plus nombreux à proposer des modélisations des effets des arbres, des espaces verts, ou des forêts sur le climat urbain, la pollution ou la séquestration de carbone.
23 Ces définitions scalaires ne définissent donc plus les trames vertes, mais les modalités d’appréhension de leurs éléments en fonction des échelles adoptées. Celles-ci sont variées et s’appuient sur des éléments urbains spécifiques pour y associer la prise en compte de végétation en fonction des échelles choisies. Malgré ces nuances fondamentales, les discours des chercheurs ne se limitent pas à une différenciation du climat et des trames vertes. L’analyse croisée des discours souligne une lecture transversale des propos recueillis sur l’association climat et trame verte, articulée autour des trois registres cohérents en terme de logique sociopolitique, d’aménagement des systèmes urbains et écologiques, et d’objectivation des données (Boudes, 2010).
24 Le premier registre associe à la fois l’intérêt pour la connaissance commune des phénomènes météorologiques, climatiques et écosystémiques, la mobilisation sociale autour de ces thèmes et le désir de nature en ville revendiqué par les citadins et marqué par la transformation des rapports sociaux à la nature. Il s’inscrit dans une approche sensible et commune du climat et des trames vertes et dans une temporalité immédiate. Le second registre concerne les techniques d’aménagement, l’articulation des échelles et, dans une moindre mesure, les îlots de chaleur urbains. Les discours mettent en avant la nécessité de repenser le système urbain afin de favoriser les continuités et les échanges et de renouveler la structure urbaine elle-même. Ce registre mobilise des connaissances pratiques et techniques et s’inscrit dans une temporalité à court et moyen terme. Le troisième registre questionne les capacités des modèles climatiques à intégrer le végétal, et dans une moindre mesure celles des études des écosystèmes à prendre en compte les données climatiques. Il s’appuie donc sur des modélisations scientifiques et s’inscrit sur le long terme.
25 Une analyse bibliographique a également été menée : de nombreuses références, dégagées de nos recherches et des recommandations des chercheurs rencontrés, ont été analysées pour examiner comment ces liens étaient établis dans la littérature scientifique. Cette étude n’a pas seulement contribué à connaître les modalités éprouvées de l’association entre changements climatiques et trames vertes: elle a également montré que cette association peut être lue à travers un cadre non disciplinaire où les différents champs scientifiques sont mobilisés à travers trois axes: 1) les aspects politiques, collectifs et culturels; 2) les modalités techniques et historiques de mise en œuvre de l’association climat – trames vertes; 3) le détail des données et des projections liées à cette relation. Ces trois axes de lecture sont relativement proches de ceux issus de l’analyse des entretiens et permettent ainsi de les approfondir.
26 Les aspects politiques et collectifs regroupent les actions déjà entreprises, par exemple autour du mouvement des villes durables ou des études sur la justice et les inégalités environnementales. Les études reviennent sur les différents positionnements de l’ensemble des acteurs impliqués dans ces réflexions et à différentes échelles. Ainsi Emeliannoff et Stagassy (2010) proposent un panorama des décideurs participant au mouvement des villes durable. Certains s’intéressent aux Européens au sens large (U.E., 2009) en soulignant les préoccupations de ceux-ci par rapport aux changements climatiques. D’autres abordent les enjeux civilisationnels d’un renouvellement du rapport des sociétés modernes à la nature (cf. Lolive et Blanc, 2007) et d’autres encore ont recours à des modèles d’indices d’inconfort (DI, disconfort index, cf. Georgi et Dimitriou, 2010; cf. Balafoutis et Maheras, 1986) ou s’enquièrent au contraire des perceptions individuelles (Blanc et al., 2005). Tous montrent que climat et végétation sont des thématiques importantes à associer, sinon indissociables et imbriquées dans les sociétés modernes, ce qui permet d’insister, comme le fait Brady (2007 : 72) sur le fait que «les relations entre la nature et l’homme permettent d’abolir la hiérarchie entre l’homme et la nature».
27 Les liens entre climat, populations, trames vertes et santés sont aussi des enjeux débattus et argumentés, ainsi que la question des fragmentations et des continuités socio-spatiales. Dans cette perspective, toutes les disciplines abordent peu ou prou les discriminations socio-environnementales, généralement rassemblées dans la thématique des inégalités environnementales. Si d’un côté le verdissement des villes est bénéfique pour les citadins, en terme de développement psychologique (Strife et Downey, 2009) ou de réduction de l’obésité (Wells et al. 2007), des démonstrations (Dubois et Van Criekingen, 2007) et des recommandations (Tratalos et al., 2007 ; Georgi et Dimitriou, 2010 ; El Adli Imal, 2006) pointent les inégalités sociales d’accès à ces bénéfices, généralement monopolisés par les catégories sociales supérieures. Ceci serait lié à des cultures de classes différenciées, mais encore à la difficulté des critères d’aménagement urbain de s’approprier les ressentis humains, peu pris en compte et réduits à des stéréotypes. La participation sociale, qu’elle soit abordée en terme de démocratie représentative ou d’information de la population devient alors un enjeu aussi important dans la prise en compte des défis de l’adaptation et de la végétalisation des villes que la connaissance de ces phénomènes elle-même.
28 Les aspects concernant les modalités techniques et historiques d’associations entre trames vertes et climat ciblent d’abord l’émergence des trames vertes. Parce qu’elles appartiennent à différentes sphères, sociales, politiques, écologiques, urbanistiques, voire atmosphériques, la difficulté de cerner ces trames est souvent mise en avant. Que ce soit dans les documents du Grennelle II en France ou dans des textes plus reconnus, les définitions insistent sur leurs fonctions. Ainsi, pour Fabos (2004) les trames vertes doivent réduire la dissociation ville/nature en s’appuyant sur leur potentiel de préservation de la nature, de sa valorisation par les loisirs et de la préservation et revalorisation des patrimoines culturels. Ce triptyque revendique une cohabitation des systèmes urbains et écologiques et sert la mise en avant de patrimoines socio-naturels communs aux deux mondes. La notion d’héritage historique et de valeurs culturelles prend tout son sens dans la culture étasunienne où la wilderness est un horizon cher à ses habitants.
29 Parmi les définitions des trames vertes les plus citées figurent celles de Ahern (1995)7 et de Little (1990). Ce dernier les présente comme des «espaces linéaires ouverts situés le long de corridors naturels, comme une berge aménagée (riverfront), une vallée de rivière (stream valley), ou une ligne de crête, ou une voie de terre longeant une emprise de chemin ferroviaire affectée à un usage récréatif, comme un canal, une route panoramique (scenic road), ou une autre voie**»8. De même que Little insiste ensuite sur la seule approche écologique des trames vertes, la plupart des chercheurs s’appuient sur une définition générale des trames vertes pour cibler ensuite une fonction spécifique de celles-ci.
30 L’examen des fonctions sociales et écologiques attribuées aux trames vertes permet justement d’approfondir la dualité qui les définit. Parmi les fonctions sociales, on retrouve des travaux sur la place de la nature en ville d’un point de vue esthétique, individuel et collectif. «La valeur esthétique, explique Brady (2007 : 66) est une valeur non instrumentale, de sorte que les environnements appréciés de façon esthétique sont considérés comme ayant une valeur intrinsèque, en raison de leurs propres qualités spécifiques, plutôt que pour des raisons instrumentales et pour les humains.» Elle est liée à des considérations subjectives, dont celles touchant à «la bonne humeur» des citadins (Lion, 2009), ou plus objectives comme la santé des habitants (Becket et al. 1998) ou la mémoire de la ville (Chouquer, 2007). Plus généralement, la végétalisation des villes permet de minimiser le conflit entre loisir (recreation) et protection de la nature (Cole, 1993; Fabos, 2004) et participe d’un renouvellement du design urbain (Berke et al., 2009) et de la reconversion des territoires (Fortier, 2009), principalement à travers la mise en place de connexions entre zones fonctionnelles et entre systèmes urbains et naturelles (Fabos, 2004 : 324).
31 Parmi les fonctions biophysiques, les recherches s’articulent principalement autour des connexions entre zones écologiques (Jongman et al., 2004 ; Lapp, 2005 ; Fortier, 2009 ; Clergeau, 2010 ; Hepcan et al., 2009 ; Bouwma et al., 2004). Toutefois, selon Baarda (2008) la connectivité, c.-à-d. le degré de connexion, ne peut être la seule fonction des trames vertes, car les corridors écologiques remplissent déjà cette tâche. Les trames vertes doivent alors être considérées comme des matrices associant des zones écologiquement fonctionnelles. Ces connexions sont nécessaires pour le maintien général des espèces, mais permettent également d’aborder leur adaptation aux évolutions climatiques (p. ex. Bouwma et al., 2004: 100; Fortier, 2009: 135-136). Il existe des études précises sur ce point, étudiant à la fois le risque d’extinction d’espèces lié aux changements climatiques (Thomas et al. 2004), mais également la réduction effective des populations (Jiguet, 2009), la nécessité d’aménager des zones d’adaptation (Dyer, 1994) ou les modifications déjà survenues en réponse aux modifications climatiques (Cleland et al., 2007; Money et al., 2009).
32 C’est enfin l’adaptation des villes à ces mêmes changements climatiques et les effets généraux bénéfiques de la végétalisation des villes qui sont décrits. Gill et al. (2007: 130) détaillent par exemple les différents effets des infrastructures vertes selon leur composante majeure (Tableau 1).
Tableau 1.Adaptation climatique par les infrastructures vertes – une typologie indicative
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Corridor
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Parcellaire
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Matricielle
|
Stockage des précipitations
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+++
|
++
|
++
|
Capacité d’infiltration
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+
|
++
|
+++
|
Refroidissement par l’évaporation
|
+
|
+++
|
++
|
Ombre
|
+
|
++
|
+++
|
Source: Gill et al. (2007)
33 On pourrait donc élargir cette typologie en y incluant les impacts des trames vertes sur la biodiversité et son adaptation, mais encore en ajoutant d’autres thématiques dont le potentiel de production alimentaire des trames vertes (Duchemin, 2008 ; Duchemin et al., 2010) ou les gestions différenciées des espaces végétalisées, notamment en fonction de leur registre foncier (public et privé) (Tratalos et al., 2007).
34 Concernant les données et, surtout, les projections et modélisations liées à la relation climat et végétation en ville, les études ciblent six thématiques emblématiques : les îlots de chaleurs urbains, les liens entre les arbres et la température en ville, les fonctions des arbres, l’évapotranspiration et le climat, le ruissellement des eaux et la pollution et la qualité de l’air.
35 L’îlot de chaleur urbain (ICU, ou UHI pour urban heat island) est le constat d’un écart de température de l’ordre de cinq degrés Celsius entre une zone urbaine, le plus souvent un centre-ville, et une zone périphérique, à un moment donné, généralement la nuit. Ce phénomène est largement documenté (p. ex. Desplat et Koukoun-Arnaud, 2010 ; Georgi et Dimitriou, 2010 ; Masson, 2010 ; Dubreuil et al., 2008 ; Zoulia et al., 2008 ; Musy, 2007 ; Dimoudi et Nikolopoulou, 2003). L’ICU est un point de départ important pour les recherches sur les liens entre climat et végétation, qui plus est en ville, car les surfaces urbanisées restituent pendant la chaleur accumulée durant la journée, tandis qu’en milieu non urbain « la végétation renforce le flux de chaleur latente » et minimise la restitution de chaleur (Dubreuil et al., 2008 : 226).
36 Les liens entre les arbres et la température sont un objet central de cette catégorie, car la proportion de surface végétalisée a un effet sur la température moyenne : « plus le ratio de verdure dans une zone construite est élevé, plus grande sera la réduction attendue de la température de l’air dans la zone** » (Dimoudi et Nikolopoulou, 2003 : 75). Plus généralement, on remarque que « les plantations d’arbres peuvent avoir des effets positifs sur le bilan thermique des bâtiments** » (Wende et al., 2010 : 866) ; « le fait de planter des arbres en villes peut compter pour 25 % de la réduction d’énergie nette pour le rafraichissement ou le chauffage dans le cadre urbain** » (Akbari, 2002 : 119). Georgi et Dimitriou (2010 : 1410) observent quant à eux une baisse moyenne de 3.1°C dans les zones arborées comparées aux zones non arborées, à Chania (Grèce), en été. D’autres études ont été menées à Sacramento (de 1.7°C à 3.3°C d’écart) par Taha et al. (1998), à Miami avec 3.6°C (Parker, 1989), ou encore à Sacramento et Phoenix (3.3 à 5.6°C, cf. Akbari et Taha, 1992). L’étude de Gill et al. (2010) conclu enfin sur le fait qu’une augmentation de 10 % de la végétation urbaine permet une baisse significative des températures, quand le contraire (réduction de 10 %) provoque une sensible augmentation.
37 Les fonctions des arbres permettent en partie d’expliquer ces effets. L’ombrage joue un rôle important, en interceptant les radiations solaires (Georgi et Dimitriou, 2010 ; Gill et al., 2007 ; Dimoudi et Nikolopoulou, 2003 ; Akbari, 2002). Les arbres servent également de protection contre le vent (Wende et al., 2010), ou canalisent les flux de vent pour rafraichir l’air (Wende et al., 2010 ; Akbari, 2002). Cela influe directement sur les échanges d’énergie et de chaleur avec les bâtiments (Musy, 2010, Mansfield et al., 2002 ; Sailor, 1997).
38 Mais ce sont les effets de l’évapotranspiration qui sont le plus souvent mis en avant. Par exemple, Gill et al. (2010) montre une corrélation entre les îlots de chaleur urbains et la diminution du taux moyen d’évapotranspiration des surfaces à mesure que l’on se rapproche du centre-ville. Dans une perspective proche, Georgi et Dimitriou (2010) expliquent que « la température sous les différentes espèces d’arbres décroit avec l’augmentation de l’évapotranspiration** ». Ils proposent de prendre en considération le taux d’évapotranspiration dans les choix de sélection des espèces plantées en ville.
39 Le ruissellement des eaux est un facteur pris en compte dans les scénarios de changements climatiques qui avancent qu’en plus d’une élévation de la température des villes, les précipitations se feront plus nombreuses. La gestion de celles-ci peut être facilitée par l’augmentation des surfaces végétalisées (Gill et al., 2010). Tratalos et al. (2007) montrent qu’une plus forte densité de population est corrélée à un fort ruissellement des eaux. Ils proposent d’expliquer cela par la plus faible présence de végétaux dans les zones à forte densité.
40 La qualité de l’air est un autre sujet étudié. Les végétaux sont reconnus pour leur capacité à séquestrer le carbone, mais encore pour canaliser les polluants, notamment les particules inférieures à dix microns (PM10) et les dépôts secs. D’après Akbari (2002 : 125), « les arbres améliorent aussi la qualité de l’air urbain en réduisant la température ambiante et donc en réduisant la formation du smog urbain, et à travers le dépôt sec en absorbant directement les polluants gazeux et les PM10 dans l’air** ». En France, les travaux de Wania (2007) ont contribué à l’approfondissement des liens entre les trames urbaines d’arbres et la dispersion des polluants.
41 L’ensemble de ces démonstrations permet de conclure sur la réduction générale d’énergie dépensée grâce à la végétalisation des arbres. Les auteurs insistent sur le fait que les services atmosphériques et écosystémiques des végétaux en ville sont bien plus importants qu’ailleurs, car l’ensemble de leurs potentiels peut être valorisé en même temps pour compenser les problèmes rencontrés par les systèmes urbains.
42 Le détail de l’appréhension des relations entre climat, trame verte et ville ne suit pas nécessairement une lecture disciplinaire où se distinguent les sciences sociales, écologiques et atmosphériques, et ne résultent pas uniquement de l’agglomération de travaux sur les trames vertes urbaines d’une part, le climat des villes d’autre part. Au contraire, une lecture croisée peut être adoptée, mêlant les disciplines et les entrées thématiques dans une dynamique d’explication transversale. De plus, cette étude a permis de dégager trois cadres sociaux d’approche de l’association entre climat et trame verte : une référence aux individus et aux aspects collectifs, une approche en terme de projets et d’objectifs (les fonctions des trames vertes), un dernier cadre d’analyse orienté vers une démarche prospective et plus expérimentale.
43 Bien entendu, ces entrecroisements n’abolissent pas les spécificités disciplinaires ni les entrées thématiques privilégiées, mais ils soulignent une certaine capacité de la mise en lien du climat, des trames vertes et de la ville à fédérer les travaux et à se poser comme un champ de recherche intégrateur. Ces croisements illustrent les propos de Berthelot (2008) sur la description de l’activité scientifique : les discours des chercheurs portent nécessairement la trace de leur cadre d’appréhension de l’objet de l’entretien. Ils sont des descriptions ordonnées de façon cohérente et congruente à leurs principes épistémologiques (Berthelot, 2008 : 108). Ce qui est remarquable, c’est bien davantage que, pour deux objets, on trouve des modalités interprétatives communes. Ceci est une des preuves de l’intérêt égal suscité par ces deux domaines, voire de leur association déjà effective dans les pratiques rhétoriques comme dans les travaux bibliographiques.
44 Dans quelle mesure la sociologie peut-elle contribuer davantage à cette dynamique transversale ? Les domaines présentés – sociologie urbaine, des sciences et de l’environnement – doivent sans nul doute suivre ce mouvement de transversalité et de confrontations disciplinaires et thématiques. Parce que les questions relatives à la connexion et la continuité d’une part, celles concernant les échelles d’observation d’autre part, sont communes à chaque discipline, la sociologie doit, peu ou prou, participer à leur analyse. Par ailleurs, sa composante analytique doit ajouter une portée réflexive supplémentaire aux discussions entre disciplines.
45 Des études plus classiques pourraient porter sur les représentations des liens entre végétal et atmosphère, et sur les formes des connaissances mobilisées pour énoncer cette relation. Plus proche des pistes dégagées par le programme CCTV, et maintenant que la relation entre climat et trame verte est certaine, une sociologie des acteurs devrait interroger les acteurs concernés et/ou mobilisés par cette relation, ainsi que les relations de pouvoir entre ces acteurs (scientifiques et/ou politiques notamment) et les arguments mobilisés pour favoriser (ou non) un type de relation spécifique entre végétaux et atmosphère. En parallèle, une sociologie des champs scientifiques pourrait prolonger les apports du programme CCTV par l’étude suivie de la structuration – ou de la non-structuration – du champ des trames vertes et du climat, et plus certainement de l’évolution du champ des trames vertes en fonction des services écosystémiques mis en avant (biodiversité, rapport à la nature, agriculture, effet sur le climat ou l’atmosphère).
46 Une autre série de questionnements pourrait prendre à rebours la recherche d’une relation entre climat et végétation en ville. En effet, pourquoi de tels liens n’ont-ils pu apparaître plus tôt ? Autrement dit, pourquoi l’air et l’atmosphère sont exclus des définitions classiques des écosystèmes en science de la vie ? Cette question a d’ailleurs surgi à plusieurs reprises dans nos entretiens où la réduction de la Nature à la seule nature faunistique et floristique faisait débat. Cela introduit la réciproque du précédent questionnement : où en sont les modèles climatologiques dans leur prise en compte du végétal ? Peut-on retracer une histoire de l’inscription du végétal dans les modèles atmosphériques et/ou urbains ? Bien que ces derniers points touchent aux limites de l’approche sociologique, cela ne préjuge pas de leur importance.
Bibliographie
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Notes
Parmi d’autres, l’effort de Micoud (2005) pour montrer également comment la sociologie aborde des objets tels que la biodiversité ou le développement durable est particulièrement stimulant.
Le programme CCTV a été financé par le GIS Climat Environnement et Société et a été mené en collaboration avec le programme ANR Trame verte urbaine.
Ces spécialités sont représentées dans les « comités de recherche » des associations de sociologues. On y dénombre un peu plus de trente comités en moyenne par association, avec un pic de 51 pour l’AIS (Association Internationale de Sociologie), dont la dimension internationale pousse à l’ouverture, et 30 pour l’Association Européenne de Sociologie (ESA), 32 pour la British Sociological Association (BSA), ou encore 34 pour la Deutsch Geisellschaft fur Soziologie (DGS). Ces comités définissent peu ou prou les orientations et les limites de la sociologie.
RAMONS : cf. www.gis-climat.fr/projet/RAMONS
L’analyse scientométrique invite par exemple à s’intéresser aux occurrences des termes dans les bases de données d’articles dans le but d’expliquer les éventuelles variations du nombre d’occurrences en fonction d’éléments déterminants pour le domaine (cf. Callon et al., 1993).
Le détail de ces enquêtes est repris dans Boudes, 2010.
Les trames vertes, d’après Ahern (1995), sont des espaces dont les vocations sont multiples : écologiques, récréatives, culturelles et esthétiques principalement. Elles s’inscrivent dans gestion durable du territoire, et on doit en retenir les principes suivants et, outre leur morphologie linéaire et leur capacité créer de véritables systèmes interconnectés, elles font sens autant spatialement que fonctionnellement.
Le signe ** en fin de citation indique que nous avons traduit en français la partie citée.