Le catholicisme au Maroc

[Visto: 841 veces]

L’église de la paroisse des Saints Martyrs de Marrakech

Par le docteur Jean-Marie Thiébaud
Pays de tolérance religieuse, le Maroc accepte la présence du catholicisme qui ne représente pourtant qu’à peine 0.1% de sa population. De nombreuses églises sont ouvertes au culte malgré le départ de 95% des Européens depuis la fin du protectorat et l’indépendance du pays proclamée en 1956.
Baignée de lumière et ornée de coloris clairs en harmonie avec ceux du Maroc, l’église des Saints Martyrs de Marrakech est située dans le quartier de Guéliz (quartier construit sous Lyautey par l’architecte urbaniste français Henri Prost), rue El Imam Ali Guéliz, à proximité du musée Dar et Pacha et à 50 mètres à peine de l’avenue Mohammed V.
Elle nous ouvre sa porte latérale après un passage obligé au presbytère. De loin, nous avions reconnu le clocher surmonté d’une croix, moins élevé certes que le minaret d’une mosquée voisine, église et mosquée pouvant toutefois coexister en paix dans un pays essentiellement musulman sunnite(1) mais de rite malékite(2), la branche la plus tolérante des quatre madhhab (écoles de droit) de l’Islam.
Au fond de l’édifice construit vers 1928, au-dessus du porche d’entrée, trônent d’importantes orgues de fabrication européenne récente.
Jusqu’en 1968 au moins, le fond du chœur était orné d’une immense fresque représentant le christ pantocrator (Christ en gloire, assis sur un trône après sa résurrection, tenant une Bible de la main gauche et bénissant de la main droite). Cette fresque, qui avait été réalisée par Frère Jacques et Frère André Boutin, bénédictin, a disparu et a été remplacée par un grand Christ franciscain polychrome, proche de celui qu’on peut voir dans les chapelles des couvents de Sainte Claire, avec le bras supérieur de la croix en forme de tau.
Sur les piliers du chœur ont été apposées deux plaques rectangulaires en marbre. Celle de gauche porte l’inscription : “L’Église de Maroc, Fille de l’Église romaine, Innocent IV, 31 octobre 1246”, et celle de droite : “Nous avons élevé l’évêque de Maroc à la charge de légat pour l’Afrique, Alexandre IV, 18 mars 1255”. Ces deux évènements fondateurs sont postérieurs au massacre de cinq jeunes franciscains -16 janvier 1220- (3), à l’origine du nom de cette paroisse, et au placement du siège de la Nouvelle Église d’Afrique à Marrakech par le pape Grégoire IX le 9 juin 1237.
Le lundi 4 août 1578, les Portugais furent battus à la bataille dans la bataille des Trois Rois dans l’Oued Makhazen à Ksar El-Kébir au Nord du Maroc. Le sultan Moulay Abu Marwan Abd-al-Malik (sur le trône depuis 1576 grâce à l’appui des Turcs qui l’avaient aidé à chasser le sultan Moulay Mohammed) fit de nombreux captifs chrétiens et les rendit contre de fortes rançons ou les vendit comme esclaves aux princes Saadiens. Une kasbah marocaine porte encore le nom de ce sultan. L’esclavage sera aboli au 18e siècle.
Le sultan saadien Mohammed esh Sheik es Seghir (v. 1636-1655) confia officiellement l’église de Marrakech à l’Ordre des franciscains.Le culte de la Vierge fut vivant jusqu’en 1672 dans la médina de Marrakech où une petite chapelle lui était dédiée.
Ce n’est qu’en 1923 que Pie XI créa deux vicariats apostoliques au Maroc un à Rabat, pour la zone du protectorat français et un autre à Tanger pour la zone du protectorat espagnol et la zone internationale de Tanger.
Victor Colombanus Dreyer, né à Rosheim (67) le 15.02.1866, † 07.05.1944, eut en charge le vicariat apostolique de Rabat jusqu’à son départ du Maroc le 11.03.1927, tandis que le vicariat de Tanger était confié à Mgr Francisco Maria Cervera y Cervera OFM, né à Valence (Espagne) le 13.03.1858, † 25.03.1926, sa succession étant assurée par Mgr José María Betanzos y Hormaechevarría OFM, né à Guernica y Luno (Espagne) le 07.09.1863, qui demeura à Tanger jusqu’à sa mort le 26.12. 1948.
En 1947, Mgr Louis Amédée (Louis François Bienaimé Amédée) Lefevre, † 15.01.1968, était vicaire apostolique à Rabat, succédant à Mgr Henri Vielle (4) -né le 15.061867, † 07.05.1946, l’intérim étant alors assuré par Mgr Ludovic Peurois qui avait été jusqu’alors coadjuteur de l’évêque défunt-, successeur lui-même du Père Lucien Dané OFM, le premier vicaire apostolique de Rabat. Suite à l’indépendance du pays, la population chrétienne a diminué suite au départ progressif de la population européenne. Par les décrets des 14 septembre 1955 et 14 novembre 1956, Pie XII éleva les deux vicariats apostoliques au rang d’archidiocèses dépendant tous deux du Saint-Siège. En 1967, Mgr Marcel (en religion Jean) Chabbert (né à Castres (81) le 31.12.1920 et évêque de Perpignan depuis 1982) succéda à Mgr Lefebvre à Rabat et, à Tanger, Mgr Francisco Aldegunde Dorrego OFM, né à Chamoso le 12.03.1896, † 16.10.1983, évêque coadjuteur, succéda à Mgr Betanzos à la mort de ce dernier en 1948.
En 1983, deux nouveaux archevêques furent consacrés : Mgr Hubert (Hubert Louis Marie Félix) Michon, né à Paris 7e le 2 juin 1927, † dans une clinique de Parly II le 20.05.2004, pour Rabat et Mgr Antonio Peteiro Freire OFM, né à Vilasantar (Espagne) le 20.07.1936, pour Tanger (successeur de Mgr Ramon Lourido). Le 5 mai 2001, Mgr Vincent Landel, né le 25.08.1941, ordonné prêtre le 29.06.1969 dans la congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus (SCJ) de Bétharram, devient le nouvel archevêque titulaire de Rabat et siège à la cathédrale Saint-Pierre de cette ville. Mgr Antonio Peteiro Freire démissionna pour raison de santé le 24 mars 2005 et le Père José Seijas Torres a été nommé administrateur apostolique du diocèse de Tanger. Depuis le 17.06.2007, le nouvel archevêque de Tanger est Mgr Santiago Agrelo Martínez OFM, né à Asados, Rianjo, La Coruña (Espagne) le 20.06.1942.
Alors qu’il était de 350 à 400 000 à l’époque du protectorat français, le nombre actuel des catholiques au Maroc est d’environ 22000 (répartis dans les 57 paroisses de l’archidiocèse de Rabat) auxquels il convient d’ajouter les 2500 catholiques de Tánger.

Notes
(1) Le sunnisme, largement majoritaire, représente 85 à 90 % des pratiquants de l’Islam.
(2) Ce rite doit son nom à l’imam Mâlik ibn Anas (son nom complet étant Abou Abdallah Mâlik ibn Anas ibn Mâlik ibn’Amr ibn Harith), né en 93 de l’Hégire, imam de Médine, arrière-petit-fils d’un compagnon du Prophète. Il rassemble environ un quart des musulmans (N.B. : Il existe un lycée Imam Mâlik à Casablanca). Les trois autres rites sont le chafiisme (pratiqué en Turquie, en Indonésie, en Inde, aux Philippines, en Malaisie aux Comores, etc.), le hanafisme (en Turquie, au Pakistan, en Afghanistan, en Chine, en Inde, au Bengale, au Bengladesh, en Jordanie, en Égypte et en Syrie, plus modestement en Algérie, en Tunisie, etc.) et le hanbalisme, socle du fondamentalisme, ce dernier ayant généré le salafisme (en arabe : السلفية as-salafiyyah) du mot arabe “salaf”, ancêtre, prédécesseur, terme utilisé pour désigner les compagnons du prophète Mohamed et les deux générations qui leur succédèrent et le wahhabisme (en Arabie Saoudite), fondé vers 1745 par Mohammed ibn Abd el-Wahhâb (1703-1792). Ce courant est désireux comme le salafisme (rite ancien mais revivifié au 14e siècle par Ibn Taymiyya), mais de façon encore plus radicale et fondamentaliste, de rendre à l’Islam sa pureté originelle.
(3) Après avoir été fouettés, ils furent exécutés par le roi en personne qui leur fendit la tête avec son cimeterre. Le prince de Portugal récupéra leurs dépouilles et les déposa dans l’abbaye de Coimbra. On prêta à celles-ci de nombreux miracles dont la conversion de Fernando de Bulhões, né à Lisbonne et connu plus tard, après son entrée dans les ordres chez les Frères mineurs, sous le nom d’Antoine de Padoue (1195-1231), docteur de l’Église (titre confirmé officiellement par Pie XII le 16 janvier 1946). Ces religieux (Bérard de Carbio, chef de la mission, Orhon, prêtre, Pierre de Saint-Gélinien, diacre, Adjute et Accurce, frères lais) ont été canonisés par le pape Sixte VI le 17 août 1421. Une partie des reliques de ces martyrs est retournée au Maroc en 1957.
(4) On doit à Mgr Henri Vielle l’église de Mogador (Essaouira), consacrée en 1936 et toujours en activité. Notons que le nord de la ville actuelle possède deux anciens cimetières, l’un chrétien et l’autre juif. Une des portes du cimetière chrétien est ornée d’une grande croix latine sommant l’inscription PAX, tandis que le cimetière juif est divisé en carrés, chacun d’eux abritant des sépultures des diverses origines de cette communauté autrefois importante numériquement : c’est ainsi qu’il existe un quartier français, un quartier allemand, etc.

Mártires de Marruecos

Bernardo, Pedro, Acursio, Adyuto y Otón fueron protomártires franciscanos, compañeros de San Francisco, que murieron martirizados en Marrakech, en la difusión de la fe. Francisco los eligió después de invocar al Señor y permanecer en continua oración, valorando su valor y cualidades para desempeñar este ministerio.
Cuenta la historia que fueron enviados por San Francisco a predicar a los mahometanos y, tras una despedida emotiva de lágrimas y abrazos, y con la bendición emocionada del santo Pobrecillo, que ellos recibieron conmovidos de rodillas, los seis dejaron la Porciúncula y partieron rumbo a España; a pie, descalzos, sin alforja, mendigos peregrinos de Dios.
Era el año de 1219, cruzaron España y Portugal hasta llegar a la Sevilla musulmana, ahí fueron apresados y luego desterrados a Marruecos. Aquí, continuaron predicando la fe cristiana, por lo que fueron detenidos, encarcelados y torturados en Marrakech, hasta que, al no querer abdicar de Cristo, el rey del país los condenó a muerte. Fue ante sus reliquias, que más tarde fueron trasladadas a Coimbra, donde San Antonio decidió ingresar a la Orden Franciscana.
Empapados del espíritu primitivo de San Francisco, estos mártires encarnaron el Evangelio de Cristo, pobre y crucificado de manera ejemplar. Esta generación de frailes, que experimentaron los juicios y valores de la época medieval, vivieron su cristianismo de una manera heroica. En palabras del propio San Francisco: «Ellos son los más heroicos caballeros de mi Tabla Redonda».
Existe un documento muy extenso y publicado por Quaracchi editores, que narra por testimonios de testigos oculares, este momento de confirmación de la fe, heroico en estos frailes; y es considerado, de las mejores versiones medievales. En ella se relata, por ejemplo, cómo algunos de aquellos mártires azuzaban a las fieras para que los despedazaran, por la urgencia que tenían de rubricar su fe con su sangre. Así, entregaron su alma al Señor el 16 de enero de 1220.
Al igual que San Francisco, Santa Clara se enteró del primer martirio de unos Hermanos Menores en Marruecos y, con la firmeza que la distinguía, proyectó e intentó irse a aquellas tierras de los infieles para lograrlo; pero Francisco, más prudente o menos idealista que ella, no se lo consintió, movido también por las lágrimas de las sores de San Damián, que lloraban al verla en esa determinación y temer perderla.

Mas esa fiebre del amor sangriento que no aprobó en «su plantita», la quiso y la animó en los suyos. San Francisco es, entre las Órdenes religiosas, el primer fundador que incluye en su Regla -en sus dos Reglas- un capítulo taxativo sobre las misiones, añadiéndole doce textos evangélicos.
A partir de este pronunciamiento, más tarde, en 1269, 60 Hermanas de Santa Clara del monasterio de Zawichost, morían a manos de los tártaros, en Polonia; en 1268 fueron degolladas colectivamente las moradoras del monasterio de Antioquía de Siria, por orden del sultán Melek Saher Bibars I; en 1289 el sultán Melek-el-Mansur hizo matar a las moradoras del monasterio de Trípoli; y en 1291, al ser tomado San Juan de Acre (Accon o Tolemaida) por las tropas de Melek-el-Asheraf, sufrieron el martirio, nada menos que 74 hijas de Santa Clara; y también las clarisas de España, ya en ese siglo, en 1298, y en los azarosos tiempos posteriores, las del monasterio de Jaén, en número 20, pagaron el tributo de su sangre por la irrupción de las tropas sarracenas (I. Omaechevarría). Este ardimiento misionero femenino continúa hasta hoy, dispuesto a la prueba extrema del amor: dar la vida por Aquel que la dio por nosotros.
Fuente: Orden de los Frailes Menores (OFM).

Puntuación: 5 / Votos: 33

Deja un comentario

Tu dirección de correo electrónico no será publicada. Los campos obligatorios están marcados con *