Ce refus de choisir, cette distance prise avec les engagements, vus comme des jeux de théâtre – en ce sens Le Dernier Métro vient de loin, et se révèle un film beaucoup plus intime et personnel qu’on ne l’a dit-, sont un regard moral porté sur la période: «Ce moment, on ne sait pas s’il est théâtral parce que lié à la percepetion de mon adolescence, ou parce que les Français de l’époque n’avaient pas envie de voir de trop pres la réalité des choses, dans la mesure ou s’ils regardaient la vérité vraie, en face, la France aurait été un pays de résignés, face à la facilité de la collaboration, face aux dangers de la résistance” dira le cinéaste. Cela apparaît en définitive comme le principe éthique tiré par l’adolescente de sa première expérience de la politique et de l’Histoire. «De quel droit me jugez-vous?», pourrait-il lancer aux parents, aux professeurs, aux passants qui froncent les sourcils devant ses fugues, ses petits vols ou ses gros mensonges, tandis qu’ils demeurent les spectateurs de ce théâtre de boulevard de la collaboration et de la résistance.
Une image, une seule, a frappé l’adolescent, qui renforce ses convicions: un reportage sur l’ouverture des camps de concentration, les charniers, les morts vivants sortant des baraquements, vu au Cinéac-Italiens en mai 1945. Le théâtre de l’Occupation française apparut alors, en compararison, comme plus ridicule et dérisoire et les spectaterus résignés, plus passifs et grotesques encore.
Antoine de Baecque et Serge Toubiana. “François Truffaut”. Éditions Gallimard